Acheter pour les autres

De son séjour au Nigéria quand il avait 11 à 13 ans, il dit avoir découvert la négociation. De sa formation en psychologie, il explique son plaisir de l'écoute, de la discussion. D'une émission de TV sur le métier des traders de pétrole, un an après le bac, il date sa décision d'entrer dans ce métier du trading physique. « Le second déclencheur, c'est bien sûr mon stage de fin d'étude d'école de commerce sur le cacao, chez Sucres et denrées, à Londres. Il devait durer trois mois pour finalement s'étendre à six, et ne s'est interrompu qu'en raison du service militaire », se souvient Christophe Callu Mérite, acheteur pour compte chez Feed Alliance, filiale du groupe Avril.

« Ma formation, ma personnalité et mon parcours me faisaient plus tendre vers les marchés industriels que vers les grands traders internationaux, les ABCD (A pour ADM, B Bunge, C Cargill, D Dreyfus). Quand je suis entré à la Cana (aujourd'hui Terrena), au début des années quatre-vingt-dix, l'industrie de la nutrition animale ne disposait pas encore des techniques et des outils qui existent désormais. Elle subissait encore les marchés. Monter des filières d'importation comme le sans OGM avec Coamo (coopérative brésilienne) pour la Cana, et accompagner l'utilisation des marchés à terme sont des choses qui m'ont passionné. » Après dix ans passés au sein de la coop, il a le sentiment d'avoir fait le tour de son poste. Il part cependant après avoir mis en place la centrale d'achat de Terrena.

Quatre métiers à la fois

Il tente alors de revenir au cacao en restant quelques mois chez Nestlé, mais la nutrition animale le rattrape très vite et il intègre Cybelia, filiale de Glon Sanders, qui assurait alors les achats pour les usines Sanders et les concessionnaires. A la suite de la réorganisation du service achat interne, il rejoint Feed Alliance avec, notamment, la mission de tenir les « livres » (dossiers) en protéines pour ces mêmes usines. Créée en 1998, la structure massifie les achats en proposant néanmoins des stratégies particulières à chaque client et emploie une dizaine d'acheteurs soutenus par une équipe d'exécution. « Je m'ennuie quand je suis seul, et j'ai besoin des successions de tension et de calme que nous imposent les marchés. Il ne faut jamais être amoureux de sa position par exemple. Mais il y a aussi du métier dans la gestion du stress. » Désormais, Christophe Callu Mérite estime avoir atteint une sorte d'équilibre : « Chez Feed Alliance, je fais finalement à la fois les quatre métiers que j'ai pratiqués : je suis acheteur, broker puisque le prix n'est pas figé tant que la matière n'est pas délivrée, mais aussi trader et analyste de marché pour nos clients. J'aime tenir les livres, arbitrer, mais aussi faire de la pédagogie pour ma clientèle, afin de mieux faire valoir les droits et les devoirs de chacun. » Il est aussi impliqué dans la vie collective du secteur. Depuis l'an dernier, il appartient ainsi au bureau de la RTRS, la table ronde internationale pour un soja responsable. « Ce mandat me permet d'apporter les objectifs des marchés dans des milieux qui ne sont pas toujours sensibles à la réalité des prix. » « Dans les négociations, je place tout le poids de mon parcours, car il est important de mettre de la psychologie en plus du prix. Il y a toujours une part de bluff, mais souvent aussi un besoin de trouver des solutions pour débloquer la relation entre un client et un fournisseur. Dans notre métier d'acheteur, contrairement à ce qui est souvent imaginé, le timing est souvent beaucoup plus important que le dernier euro négocié », conclut-il.

Yanne Boloh